CIRDEL

LES PRISONS : Une honte pour la République

mercredi 18 mars 2009 par CIRDEL

Compte-rendu du débat organisé le 5 mars 2009 par la Chaire lyonnaise des Droits de l’Homme - avec Jean-Marie Delarue, Contrôleur Général des lieux de privation de liberté.

La Chaire Lyonnaise des Droits de l’Homme organisait le 5 mars dernier une conférence débat sur le thème :

« Les prisons : une honte pour la République »

avec Jean-Marie DELARUE, Contrôleur Général des lieux de privation de liberté.

Le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté a été créé par la loi du 30 octobre 2007 et doit exercer sa mission sur près de 5.800 lieux d’enfermement : prisons, locaux de garde à vue, dépôts des tribunaux, centres de rétention, zones d’attente des aéroports, cellules de retenue des douanes et hôpitaux psychiatriques. Un décret d’application de la loi était paru au Journal officiel le 12 mars 2008. Il a été nommé le 11 juin 2008.
Cette fonction de contrôleur des prisons est imposée par un protocole des Nations unies contre la torture, adopté en décembre 2002 et que la France doit encore faire ratifier par le Parlement après l’avoir signé en septembre 2005. Le contrôleur est nommé pour six ans renouvelables.

Présentation
Après une courte intervention de la représentante de la mairie qui a, entre autres, insisté sur les centres de rétention, c’est Ugo Iannucci, président de la Chaire Lyonnaise et avocat, qui a rappelé quelques étapes de l’histoire de la détention à Lyon.
Le nombre de détenus a augmenté au cours des années. Moins de 50 000 en 2001 et près de 70 000 en 2009.
Les prisons St Joseph (ouverte en 1830) et St Paul (ouverte en 1865) contenaient environ 800 détenus en 1970.
Lors des révoltes dans les prisons en 1970, les avocats de Lyon ont édité une plaquette sur les prisons de Lyon.
Quelques dates :
1974 : problème des prétoires (sorte de tribunal administratif disciplinaire interne de la prison). Conditions difficiles pour les détenus et les surveillants.
1998 : point culminant des suicides en prison, 8 dans les prisons de Lyon.
- Commissions de prévention du suicide.

- Commission de suivi des mineurs.
- Remplacement des prétoires par la commission de discipline.
La prison école de la récidive.
Mise en place de la Commission Nationale de la Déontologie et de la Sécurité présidée par Pierre Truche (présent à la conférence)

Intervention de Jean-Marie Delarue
Il commence par présenter un texte écrit par un détenu, puis un rapport d’enquête d’incident sur le détenu. Il a ainsi mis l’accent sur la perte ou la difficulté d’avoir des rapports sociaux en prison. Rupture des liaisons avec la famille, violence, solitude, pauvreté...).
Il divise ensuite son exposé en deux parties.

Ce qu’on sait sur la prison :
La prison est un service public qui ne remplit pas son rôle qui est de punir et réinsérer car la réinsertion manque de moyens.
Les sorties sèches représentent 80% des sorties de prison et donnent lieu à une grande proportion de récidive. Les aménagements de peine (20%) correspondent à un moindre taux de récidive.
Est-ce que la punition marche bien ? La prison est-elle la seule réponse ?
En Europe, le quantum de peine augmente.
Il y a bien d’autres choses que la privation de liberté :
- Perte du travail, du logement, des liens familiaux
- Plongée dans un lieu sans droits, sans foi ni loi et en même temps milieu très réglementé.

Beaucoup d’établissements sont vétustes et peu adaptés à leur mission.
Les programmes actuels de construction de nouvelles prisons, si ils sont menés à terme, devraient ajouter 13 000 places de détention, ce qui ne permettrait pas de pallier au surpeuplement des prisons.
Etat déplorable. Les fenêtres ne ferment pas, froid en hiver, calfeutrage.
Les réseaux électriques sont sous-dimensionnés : disjonction des circuits lors de l’utilisation des dispositifs de cuisson...
Les lieux de détention sont perpétuellement en en travaux, l’humidité règne, les dommages sont souvent irréparables.
Manque de personnel (adjoints techniques) pour l’entretien et la maintenance.
Le programme Chalandon et les suivants ont conduit à une grande déshumanisation.
Les détenus sont avant tout sensibles à la qualité des relations humaines.
Saint Paul et Saint Joseph sont bien cotées.
Le surpeuplement se traduit dans les cellules par une difficulté de couchage, la promiscuité, l’impossibilité de vie intime.
Dans la prison, les mouvements, les déplacements sont compliqués car il y a trop de monde. Il y a moins de parloirs.
Dans une prison de l’Est de la France où il y a 184 détenus pour 104 places, il n’y a pas de placard pour les derniers arrivés.

Ce qu’on sait moins bien :
Lieu de tension où règne la loi du plus fort.
Opposition entre le détail minutieux de la règle (3 minutes pour la douche) et la loi de la jungle (traitement des violeurs-pointeurs par les autres détenus).
Comment croire en la loi si elle s’incarne de cette manière.
Crainte, anxiété.
L’installation de postes téléphoniques dans les cours a des revers (pression de la part de ceux qui sont interdits de téléphone)
Défaut d’expression des personnes, difficulté de se confier.

Le travail en prison : ne concerne que 15% des détenus dans les prisons françaises.
Travaux d’intérêt général (cuisine...) emploient 40 personnes dans une prison moyenne.
Travail en atelier pour des entreprises extérieures. Quelques dizaines d’emploi.
Avec la crise, il y a une diminution de l’offre de travail en atelier ce qui augmente la pauvreté.
De plus, le fait de travailler est un critère de réduction de peine.

Question de santé :
Le personnel médical et hospitalier est extérieur à la prison.
Les urgences concernent un grand nombre de tentatives de suicide.
S’il n’y a pas urgence, ce sont les procédures d’extraction caractérisées par de longues attentes et des traitements qui traînent en longueur.
Les parloirs sont mal commodes, peu intimes. Le parloir est supprimé en cas de retard.
On appelle les détenus et leur famille par leur nom sans les civilités (M., Mme ou Melle)
La moyenne de séjour en prison est inférieure à neuf mois.
On sort de prison soit brisé, soit avec l’envie de recommencer.

La loi de 2007 sur le Contrôle Général
Obligation internationale
Nécessité d’un contrôle indépendant (le contrôleur ne peut pas être un fonctionnaire).
Rapport de Guy Canivet en 2000.
Mission du Contrôle : vérifier la conformité du fonctionnement des prisons avec les textes et le respect de la dignité des personnes.
Lieux privatifs de liberté : prisons, centre de rétention, hôpitaux psychiatriques, brigades de gendarmerie, commissariat. Il espère un jour entrer dans les maisons de retraite.
Il y a environ vingt contrôleurs.
Les rapports sont envoyés aux ministères concernés.
Les recommandations peuvent être rendues publiques.

Discussion avec la salle :
Surveillant de la prison de Villefranche  : pas content de la visite du contrôleur.
Pas d’accord avec la question du téléphone. Les numéros sont prédéfinis, les conversations sont écoutées.
Les parloirs : les retards accumulés posent problème
JMD  : voudrait que les choses changent pour les parloirs.

Jean-Marie Fayolle Noireterre  :
Il y a-t-il des différences entre ce qui est vu par les contrôleurs et le contenu des rapports ?
Pourquoi assiste-t-on à une diminution de la communication sur les suicides en prison ?
A propos de la surpopulation, ne faudrait-il pas s’interroger sur la durée des peines ?
JMD  : ce sont les membres du personnel qui restent le plus longtemps en prison. Voudrait susciter une dynamique avec ceux qui décident de l’internement (magistrats...)

Une représentante de l’Association des Familles des Détenus  : quels résultats peut-on attendre de ces contrôles ? Elle n’y croit pas pour l’instant .

Question  : Quelles différences voit-on entre les lieux de détention pour les femmes et ceux pour les hommes ?
JMD  : les femmes représentent 4% des détenus. Elles ne sont que quelques dizaines par quartier et on ne retrouve donc pas les problèmes dont nous avons parlés.

Question  : les rapports du Comité de Prévention de la Torture (Conseil de l’Europe) ont-ils eu une influence sur la mise en place du Contrôle ?
JMD  : nous avons eu des rencontres avec le CPT pour essayer d’améliorer notre coordination.

Question  : qu’en est-il de la pratique de la cantine qui fournit des produits à 2 ou 3 fois leur prix dans le commerce ?
JMD  : question à éclaircir, ce sont surtout les cigarettes qui sont cantinées.
Le revenu moyen d’un détenu qui travaille est de 200€ mensuels.

Question  : Comment diminuer le surpeuplement ?
JMD  : il faut jouer sur tout, entre autres sur la dépénalisation de certaines peines.
Prise en charge par la sectorisation psychiatrique avant le passage à l’acte.
Avec le programme de construction actuel, si il est réalisé, il y aura encore 6 000 détenus en trop.
Les lois pénales dépendent du Parlement.

Visiteur de prison  : pourquoi de nombreux visiteurs ne sont pas appelés à intervenir ?
JMD  : les visiteurs sont peu aimés par l’administration pénitentiaire.
Il y a un âge maximum, pourquoi ?
Les visiteurs devraient être représentés dans les Commissions Disciplinaires (anciens prétoires).

Question  : pourquoi le placement en quartier disciplinaire est-il de 45 jours en France contre 15 dans de nombreux pays ?
Le Contrôle intervient-il au centre de rétention de Mayotte ?
JMD  : dans le projet de loi : 40 jours pour les agressions sur le personnel, 25 jours dans les autres cas.
Il y a sept fois plus de suicides en quartier disciplinaire qu’en détention, et sept fois plus en détention que dans la société extérieure.
Le contrôle à Mayotte sera fait cette année. Il y a 226 personnes pour 86 places dans ce centre.

Question  : avantages de la Commission de Discipline par rapport au prétoire ?
JMD  : enquête, présence d’un avocat. Le problème aujourd’hui, c’est sa composition : que du personnel de l’Etablissement. Le Sénat proposerait une personne tiers.

Question  : Formation des surveillants ?
JMD  : les impératifs de sécurité semblent avoir pris le pas sur la question pénale.

Question  : qu’en est-il de la question de la domiciliation en prison dans la nouvelle loi ?
JMD  : la domiciliation en prison est un marqueur social (carte d’identité dont l’adresse est celle de la prison). Ne vaut-il pas mieux des mandataires extérieurs.
L’Etat ne semble pas vouloir laisser aux collectivités territoriales la gestion des prisons, mais à des entreprises privées.


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